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DE GUSTAVE FLAUBERT.

pas même l’instinct des brutes qui gardent et défendent, par tous leurs moyens, leur tanière et leurs vivres.

J’ai été réjoui, ce matin, par l’histoire de Mlle Papavoine, une pétroleuse, qui a subi au milieu des barricades les hommages de dix-huit citoyens, en un seul jour ! Cela est raide, et dépasse de beaucoup la fin de la pauvre Éducation sentimentale, où les héros se bornent à offrir des fleurs, passage déclaré cynique !

Avez-vous lu un article de Mme Sand (publié dans le Temps), sur les ouvriers. C’est bien fait et brave, c’est-à-dire honnête. Elle arrive tout doucement à voir ce qu’il y a de plus difficile à voir : la vérité. Pour la première fois de sa vie, elle appelle la canaille par son nom.

J’ai fait tantôt une visite à la pauvre Mme Perrot (la mère de Janvier). Elle passe toutes ses journées dans la prison de son fils. Voilà trois mois qu’il est coffré et son affaire n’est pas encore instruite, si bien que, fût-il plus tard déclaré innocent, il aura subi plus de prison que le sieur Courbet !

L’anniversaire du 4 septembre s’est passé ici de la façon la plus inoffensive. La République ne se fait pas sentir. Donc gardons-la !

J’allais oublier de vous remercier pour votre dernière lettre. Elle était gentille et bonne, au delà de toute expression, et j’ai été bien touché par vos plaintes, chère Princesse que vous êtes. Le monde peut être sauvé par un seul juste, dit l’Écriture. Eh bien, moi je dis : tant qu’il restera un petit coin comme le vôtre, tout n’est pas perdu. Gardons notre cœur et notre esprit. Veil-