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CORRESPONDANCE

rêve sur le passé — car je suis un vieux. L’avenir pour moi n’a plus de rêves, mais les jours d’autrefois se représentent comme baignés dans une vapeur d’or. Sur ce fond lumineux où de chers fantômes me tendent les bras, la figure qui se détache le plus splendidement, c’est la vôtre ! — Oui, la vôtre. Ô pauvre Trouville !

C’est à moi, dans nos partages, que Deauville[1] est échu. Mais il me faut le vendre pour me faire des rentes.

Comment va votre fils ? Est-il heureux ? Écrivons-nous de temps à autre, ne serait-ce qu’un mot, pour savoir que nous vivons encore.

Adieu, et toujours à vous.



1336. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, samedi, 2 heures 5 octobre 1872.
Chère Caro,

Me voilà revenu dans ma solitude, où je me trouve (pour dire la vérité) très bien, c’est-à-dire tranquille. Il n’en faut pas demander davantage au ciel. Le temps est superbe. Hier et aujourd’hui, je me suis promené après déjeuner, en admirant la nature. Le soleil jouait dans le feuillage et mon chien gambadait autour de moi. Je rêvassais à Bouvard et Pécuchet. Mais je regrettais ma chère

  1. Mme Flaubert possédait près de Deauville une ferme dont avait hérité Gustave et qu’il sera forcé de vendre en 1875, au moment de la déconfiture de son neveu Commanville.