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CORRESPONDANCE

amies ont eu la gentillesse de m’y accompagner ; elles sont restées à m’attendre devant la grille, ainsi que Lapierre. Ce procédé-là m’a touché jusqu’au fond du cœur. Lapierre dînait en ville. J’ai passé la soirée tout seul avec elles, et la vue de leurs bonnes et belles mines m’a fait du bien. Je leur en suis reconnaissant.

Le soir, quand je suis rentré ici, mon pauvre toutou m’a accablé de caresses. Je ne sais pas pourquoi je te dis tout cela, mais tu devineras la psychologie sous les faits.

Comme c’est triste de ne pas trouver dans sa famille un peu de la délicatesse qu’on rencontre chez des étrangers ! Mais je ne dois pas me plaindre de la famille, puisque je possède une nièce comme mon Caro.

Ton Vieux.

1341. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Nuit de lundi [28 octobre 1872].
Princesse,

C’est bien bon à vous de m’avoir écrit. Vous avez pensé que je devais avoir du chagrin. Rien de plus vrai. Ah ! voilà trop de morts, trop de morts coup sur coup ! Je n’ai jamais beaucoup tenu à la vie, mais les fils qui m’y rattachent se brisent les uns après les autres. Bientôt il n’y en aura plus. Pauvre cher Théo ! C’était le meilleur de la bande, celui-là ! Un grand lettré, un grand poète, et un grand cœur. Il vous aimait beaucoup, Princesse, et vous faites bien de le regretter.