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CORRESPONDANCE

bonheur y est impossible), c’est de passer le temps agréablement.

Que dites-vous de la Politique ? Il me semble qu’on est au calme plat et que, d’ici à longtemps, rien d’effectif n’aura lieu. Mais je me trompe peut-être. Qu’il est difficile de porter un jugement sur l’opinion publique ! Ainsi les bons Rouennais (qui ne sont pas bons du tout) sont presque tous pour le centre gauche, fort peu dévots, et nullement cléricaux, ce qui n’empêche pas que hier les processions de la Fête-Dieu ont été splendides, les rues regorgeaient de monde et deux généraux (par ordre supérieur, il est vrai) accompagnaient l’Archevêque. Tirez donc une conclusion !

Je suis, pour mon compte, effrayé par la bêtise universelle ! Cela me fait l’effet du déluge et j’éprouve la terreur que devaient subir les contemporains de Noé, quand ils voyaient l’inondation envahir successivement tous les sommets. Les gens d’esprit devraient construire quelque chose d’analogue à l’Arche, s’y enfermer et vivre ensemble.

Je vous respecte, je vous admire, je vous assure, parce que vous êtes, vous Princesse, du petit nombre des Élus, du groupe rarissime des Aristocrates naturels. Vous avez, pour qui sait voir, le Signe sur le front, et je vous baise les mains, car je suis entièrement vôtre.