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CORRESPONDANCE

1616. À TOURGUENEFF.
Croisset, samedi [1876].

Je commençais à m’ennuyer de vous, mon bien cher vieux. J’avais peur que vous ne fussiez malade.

Quant à moi, ça se boulotte. Sauf vingt-quatre heures passées au V… chez M…, à la fin de la semaine dernière, je n’ai pas bougé d’ici depuis votre départ. Mes notes pour Hérodias sont prises. Et je travaille mon plan. Car je me suis embarqué dans une petite œuvre qui n’est pas commode, à cause des explications dont le lecteur français a besoin. Faire clair et vif avec des éléments aussi complexes offre des difficultés gigantesques. Mais s’il n’y avait pas de difficultés, où serait l’amusement ?

Lisez-vous les feuilletons dramatiques du bon Zola ? Je vous recommande comme chose curieuse celui de dimanche dernier. Il me paraît avoir des théories étroites, et elles finissent par m’irriter.

Quant au succès, je crois qu’il se coule avec l’Assommoir. Le public, qui venait à lui, s’en écartera et n’y reviendra plus. Voilà où mène la rage des partis pris, des systèmes. Qu’on fasse parler les voyous en voyous, très bien, mais pourquoi l’auteur prendrait-il leur langage ? Et il croit ça fort, sans s’apercevoir qu’il atténue, par ce chic, l’effet même qu’il veut produire.

Pour aller plus vite en besogne, j’ai bien envie de rester à Croisset très tard, jusqu’au jour de