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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 8.djvu/405

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DE GUSTAVE FLAUBERT.

temps après dans son ministère. La justice les traite bien, ses protégés !)

Et cet excellent Voltaire (pas l’homme, le journal), qui l’autre jour me plaisantait gentiment sur la toquade que j’ai de croire à la haine de la littérature ! C’est le Voltaire qui se trompe ! Et plus que jamais je crois à la haine inconsciente du style. Quand on écrit bien, on a contre soi deux ennemis : 1o le public, parce que le style le contraint à penser, l’oblige à un travail ; et 2o le gouvernement, parce qu’il sent en nous une force, et que le pouvoir n’aime pas un autre pouvoir.

Les gouvernements ont beau changer, monarchie, empire ou république, peu importe ! L’esthétique officielle ne change pas. De par la vertu de leur place, les agents — administrateurs et magistrats — ont le monopole du goût (voir les considérants de mon acquittement). Ils savent comment on doit écrire, leur rhétorique est infaillible, et ils possèdent les moyens de vous convaincre.

On montait vers l’Olympe, la face inondée de rayons, le cœur plein d’espoir, aspirant au beau, au divin, à demi dans le ciel léger — et une patte de garde-chiourme vous ravale dans l’égout ! Vous conversiez avec la Muse, on vous prend pour ceux qui corrompent les petites filles ! Tout embaumé des ondes de Permesse, tu seras confondu avec les messieurs hantant par luxure les pissotières !

Et tu t’assoiras, mon petit, sur le banc des voleurs, et tu entendras un particulier lire tes vers (non sans fautes de prosodie) et les relire en appuyant sur certains mots auxquels il donnera