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CORRESPONDANCE

plus délicatement, plus finement, stigmatiser en passant avec une pointe d’élégance et faire intervenir à la fin un vénérable ecclésiastique ou un bon docteur débitant une conférence sur les dangers de l’amour. En un mot votre histoire pousse à la conjonction des sexes. Ah ! »

D’abord, ça n’y pousse pas, et quand cela serait, par ce temps de goûts anormaux il n’est pas mal de prêcher le culte de la femme. Tes pauvres amants ne commettent même pas un adultère ! Ils sont libres l’un et l’autre, « sans engagements envers personne ». Tu auras beau te débattre, le parti de l’ordre trouvera des arguments. Résigne-toi.

Mais dénonce-lui, afin qu’il les supprime, tous les classiques grecs et romains, sans exception, depuis Aristophane jusqu’au bon Horace et au tendre Virgile. Ensuite, parmi les étrangers, Shakespeare, Goethe, Byron, Cervantès, chez nous Rabelais « d’où découlent les lettres françaises » suivant Chateaubriand dont le chef-d’œuvre roule sur un inceste ; et puis Molière (voir la fureur de Bossuet contre lui) ; le grand Corneille, son Théodore a pour motif la prostitution ; et le père La Fontaine, et Voltaire, et Jean-Jacques, etc., et les contes de fées de Perrault ! De quoi s’agit-il dans Peau d’âne ? et où se passe le quatrième acte du Roi s’amuse ?

Après quoi, il faudra supprimer les livres d’histoire qui souillent l’imagination.

J’en suffoque d’indignation.

(Qui va être surpris ? L’ami Bardoux ! Lui dont l’enthousiasme fut tel, à la lecture de ta pièce, qu’il voulut faire ta connaissance et te plaça peu de