Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 9.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
CORRESPONDANCE

cesse et dis-lui qu’elle te donne un coup d’épaule. Son mouvement oratoire dans ton atelier rentre dans ses habitudes… Il ne faut pas plus faire attention à ce qu’elle dit qu’au propos d’un enfant de six ans. Je m’étonne seulement qu’elle n’ait pas traité le P. Didon de mouchard et de voleur…, qualifications qui lui sont usuelles. Je l’aie vue déchirer des gens qu’elle recevait ensuite parfaitement bien. Tous les Bonaparte sont ainsi ; ils ont des accès de lyrisme, sans cause !

Hier, bonne visite de Sabatier que j’ai trouvé très intelligent, charmant. Nous n’avons causé que de choses élevées… Croirais-tu que, depuis huit jours, je n’ai pu faire comprendre, même à G. Pouchet, ce que je désire comme botanique ! F. Baudry, j’en suis sûr d’avance, m’enverra ce qu’il me faut. Ainsi, pour un passage de six lignes, j’ai lu trois volumes, conféré pendant deux heures, et écrit trois lettres ! Vraiment ! quelles drôles de cervelles que celles des savants, pour ne pas distinguer une idée accessoire d’une idée principale !!! Tout cela, faute d’habitude littéraire et philosophique. J’en suis stupéfait ! Je t’assure que ce cas est drôle ; je te l’expliquerai. Le bon Sabatier viendra déjeuner jeudi.

Mais parlons de ma réception de demain qui sera gigantesque ! Tous mes confrères acceptent ! Non seulement ils dîneront, mais ils coucheront ; et leur joie de cette petite vacance est telle que les femmes en sont scandalisées. J’ai aussi invité Fortin « à qui je dois bien ça », selon Mamzelle Julie.

J’ai pris, pour aider Suzanne, Clémence, et le père Alphonse pour servir. Le repas, j’espère,