Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/152

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nullement. Chacun y prenait ce qui pouvait défendre sa cause.

Ainsi Bouvard ne doutait pas que Danton eût accepté cent mille écus pour faire des motions qui perdraient la République, et selon Pécuchet, Vergniaud aurait demandé six mille francs par mois.

— Jamais de la vie ! Explique-moi plutôt pourquoi la sœur de Robespierre avait une pension de Louis XVIII ?

— Pas du tout ! c’était de Bonaparte, et puisque tu le prends comme ça, quel est le personnage qui, peu de temps avant la mort d’Égalité, eut avec lui une conférence secrète ? Je veux qu’on réimprime, dans les mémoires de la Campan, les paragraphes supprimés ! Le décès du dauphin me paraît louche. La poudrière de Grenelle en sautant tua deux mille personnes ! Cause inconnue, dit-on, quelle bêtise !

Car Pécuchet n’était pas loin de la connaître, et rejetait tous les crimes sur les manœuvres des aristocrates, l’or de l’étranger.

Dans l’esprit de Bouvard, « Montez au ciel, fils de saint Louis », les vierges de Verdun et les culottes en peau humaine étaient indiscutables. Il acceptait les listes de Prudhomme, un million de victimes tout juste.

Mais la Loire, rouge de sang depuis Saumur jusqu’à Nantes, dans une longueur de dix-huit lieues, le fit songer. Pécuchet également conçut des doutes, et ils prirent en méfiance les historiens.

La révolution est, pour les uns, un événement satanique. D’autres la proclament une exception