Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/187

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être beaux. Enfin la condition première du Beau, c’est l’unité dans la variété, voilà le principe.

— Cependant, dit Bouvard, deux yeux louches sont plus variés que deux yeux droits et produisent moins bon effet, ordinairement.

Ils abordèrent la question du sublime.

Certains objets sont d’eux-mêmes sublimes, le fracas d’un torrent, des ténèbres profondes, un arbre battu par la tempête. Un caractère est beau quand il triomphe, et sublime quand il lutte.

— Je comprends, dit Bouvard, le Beau est le Beau, et le Sublime le très Beau. Comment les distinguer ?

— Au moyen du tact, répondit Pécuchet.

— Et le tact, d’où vient-il ?

— Du goût !

— Qu’est-ce que le goût ?

On le définit : un discernement spécial, un jugement rapide, l’avantage de distinguer certains rapports.

— Enfin le goût c’est le goût, et tout cela ne dit pas la manière d’en avoir.

Il faut observer les bienséances, mais les bienséances varient ; et si parfaite que soit une œuvre, elle ne sera pas toujours irréprochable. Il y a pourtant un Beau indestructible, et dont nous ignorons les lois, car sa genèse est mystérieuse.

Puisqu’une idée ne peut se traduire par toutes les formes, nous devons reconnaître des limites entre les arts, et, dans chacun des arts, plusieurs genres ; mais des combinaisons surgissent où le style de l’un entrera dans l’autre, sous peine de dévier du but, de ne pas être vrai.

L’application trop exacte du Vrai nuit à la