Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Beauté, et la préoccupation de la Beauté empêche le Vrai ; cependant sans idéal pas de Vrai ; c’est pourquoi les types sont d’une réalité plus continue que les portraits. L’art d’ailleurs ne traite que la vraisemblance, mais la vraisemblance dépend de qui l’observe, est une chose relative, passagère.

Ils se perdaient ainsi dans les raisonnements. Bouvard, de moins en moins, croyait à l’esthétique.

— Si elle n’est pas une blague, sa rigueur se démontrera par des exemples. Or écoute !

Et il lut une note qui lui avait demandé bien des recherches.

« Bouhours accuse Tacite de n’avoir pas la simplicité que réclame l’Histoire.

« M. Droz, un professeur, blâme Shakespeare pour son mélange du sérieux et du bouffon. Nisard, autre professeur, trouve qu’André Chénier est comme poète, au-dessous du XVIIe siècle. Blair, Anglais, déplore dans Virgile le tableau des Harpies. Marmontel gémit sur les licences d’Homère. Lamotte n’admet point l’immortalité de ses héros. Vida s’indigne de ses comparaisons. Enfin, tous les faiseurs de rhétoriques, de poétiques et d’esthétiques me paraissent des imbéciles ! »

— Tu exagères ! dit Pécuchet.

Des doutes l’agitaient, car si les esprits médiocres (comme observe Longin) sont incapables de fautes, les fautes appartiennent aux maîtres, et on devra les admirer ? C’est trop fort ! Cependant les maîtres sont les maîtres ! Il aurait voulu faire s’accorder les doctrines avec les œuvres, les critiques et les poètes, saisir l’essence du Beau ; et