Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ces questions le travaillèrent tellement que sa bile en fut remuée. Il y gagna une jaunisse.

Elle était à son plus haut période, quand Marianne, la cuisinière de Mme Bordin, vint demander à Bouvard un rendez-vous pour sa maîtresse.

La veuve n’avait pas reparu depuis la séance dramatique. Était-ce une avance ? Mais pourquoi l’intermédiaire de Marianne ? Et pendant toute la nuit, l’imagination de Bouvard s’égara.

Le lendemain, vers deux heures, il se promenait dans le corridor et regardait de temps à autre par la fenêtre ; un coup de sonnette retentit. C’était le notaire.

Il traversa la cour, monta l’escalier, se mit dans le fauteuil, et les premières politesses échangées, dit que, las d’attendre Mme Bordin, il avait pris les devants. Elle désirait lui acheter les Écalles.

Bouvard sentit comme un refroidissement et passa dans la chambre de Pécuchet.

Pécuchet ne sut que répondre. Il était soucieux, M. Vaucorbeil devant venir tout à l’heure.

Enfin elle arriva. Son retard s’expliquait par l’importance de sa toilette : un cachemire, un chapeau, des gants glacés, la tenue qui sied aux occasions sérieuses.

Après beaucoup d’ambages, elle demanda si mille écus ne seraient pas suffisants.

— Un acre ! Mille écus ? jamais !

Elle cligna ses paupières :

— Ah ! pour moi !

Et tous les trois restaient silencieux. M. de Faverges entra.

Il tenait sous le bras, comme un avoué, une