Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/92

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— Qu’est-ce que vous me chantez avec votre principe vital ? Comment est-il ? qui l’a vu ?

Pécuchet s’embrouilla.

— D’ailleurs, disait le médecin, Gouy ne veut pas de nourriture.

Le malade fit un geste d’assentiment sous son bonnet de coton.

— N’importe ! il en a besoin !

— Jamais ! son pouls donne quatre-vingt-dix-huit pulsations.

— Qu’importent les pulsations ?

Et Pécuchet nomma ses autorités.

— Laissons les systèmes ! dit le docteur.

Pécuchet croisa les bras.

— Vous êtes un empirique, alors ?

— Nullement ! mais en observant…

— Et si on observe mal ?

Vaucorbeil prit cette parole pour une allusion à l’herpès de Mme Bordin, histoire clabaudée par la veuve, et dont le souvenir l’agaçait.

— D’abord, il faut avoir fait de la pratique.

— Ceux qui ont révolutionné la science n’en faisaient pas ! Van Helmont, Boerhave, Broussais lui-même.

Vaucorbeil, sans répondre, se pencha vers Gouy, et haussant la voix :

— Lequel de nous deux choisissez-vous pour médecin ?

Le malade, somnolent, aperçut des visages en colère, et se mit à pleurer.

Sa femme non plus ne savait que répondre ; car l’un était habile, mais l’autre avait peut-être un secret ?

— Très bien ! dit Vaucorbeil, puisque vous