Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/142

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— Tu n’auras rien ! dit Mme  Moreau en rentrant dans la salle.

Il n’était venu que sur ses instances ; et, huit jours durant, elle avait sollicité de sa part une ouverture, trop clairement peut-être. Elle se repentait d’avoir agi, et restait dans son fauteuil, la tête basse, les lèvres serrées. Frédéric, en face d’elle, l’observait ; et ils se taisaient tous les deux, comme il y avait cinq ans, au retour de Montereau. Cette coïncidence, s’offrant même à sa pensée, lui rappela Mme  Arnoux.

À ce moment, des coups de fouet retentirent sous la fenêtre, en même temps qu’une voix l’appelait.

C’était le père Roque, seul dans sa tapissière. Il allait passer toute la journée à la Fortelle, chez M. Dambreuse, et proposa cordialement à Frédéric de l’y conduire.

— Vous n’avez pas besoin d’invitation avec moi ; soyez sans crainte !

Frédéric eut envie d’accepter. Mais comment expliquerait-il son séjour définitif à Nogent ? Il n’avait pas un costume d’été convenable ; enfin que dirait sa mère ? Il refusa.

Dès lors, le voisin se montra moins amical. Louise grandissait ; Mme  Éléonore tomba malade dangereusement ; et la liaison se dénoua, au grand plaisir de Mme  Moreau, qui redoutait pour l’établissement de son fils la fréquentation de pareilles gens.

Elle rêvait de lui acheter le greffe du tribunal ; Frédéric ne repoussait pas trop cette idée. Maintenant, il l’accompagnait à la messe, il faisait le soir sa partie d’impériale, il s’accoutumait à la