Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/212

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l’emmena derrière la porte, et lui fit voir dans son paletot un sac de gâteaux, qu’il venait d’escamoter sur la table, afin d’en régaler, sans doute, sa petite famille. M. Arnoux se livrait à des espiègleries côtoyant la turpitude. C’était pour lui un devoir que de frauder l’octroi ; il n’allait jamais au spectacle en payant, avec un billet de secondes prétendait toujours se pousser aux premières, et racontait comme une farce excellente qu’il avait coutume, aux bains froids, de mettre dans le tronc du garçon un bouton de culotte pour une pièce de dix sous ; ce qui n’empêchait point la Maréchale de l’aimer.

Un jour, cependant, elle dit, en parlant de lui :

— Ah ! il m’embête, à la fin ! J’en ai assez ! Ma foi, tant pis, j’en trouverai un autre !

Frédéric croyait « l’autre » déjà trouvé et qu’il s’appelait M. Oudry.

— Eh bien, dit Rosanette, qu’est-ce que cela fait ?

Puis, avec des larmes dans la voix :

— Je lui demande bien peu de chose, pourtant, et il ne veut pas, l’animal ! Il ne veut pas ! Quant à ses promesses, oh ! c’est différent.

Il lui avait même promis un quart de ses bénéfices dans les fameuses mines de kaolin ; aucun bénéfice ne se montrait, pas plus que le cachemire dont il la leurrait depuis six mois.

Frédéric pensa, immédiatement, à lui en faire cadeau. Arnoux pouvait prendre cela pour une leçon et se fâcher.

Il était bon cependant, sa femme elle-même le disait. Mais si fou ! Au lieu d’amener tous les jours du monde à dîner chez lui, à présent il