Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/242

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— Oui ! mais pas Jacques Arnoux, reprit-elle.

Alors, il se mit à divaguer, protestant de son innocence. C’était une méprise, un hasard, une de ces choses inexplicables comme il en arrive. On ne devait pas condamner les gens sur de simples soupçons, des indices vagues ; et il cita l’exemple de l’infortuné Lesurques.

— Enfin, j’affirme que tu te trompes ! Veux-tu que je t’en jure ma parole ?

— Ce n’est point la peine.

— Pourquoi ?

Elle le regarda en face, sans rien dire ; puis allongea la main, prit le coffret d’argent sur la cheminée, et lui tendit une facture grande ouverte.

Arnoux rougit jusqu’aux oreilles et ses traits décomposés s’enflèrent.

— Eh bien ?

— Mais… répondit-il, lentement, qu’est-ce que ça prouve ?

— Ah ! fit-elle, avec une intonation de voix singulière, où il y avait de la douleur et de l’ironie. — Ah !

Arnoux gardait la note entre ses mains, et la retournait, n’en détachant pas les yeux comme s’il avait dû y découvrir la solution d’un grand problème.

— Oh ! oui, oui, je me rappelle, dit-il enfin. C’est une commission. — Vous devez savoir cela, vous. Frédéric ?

Frédéric se taisait.

— Une commission dont j’étais chargé… par… par le père Oudry.

— Et pour qui ?