Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/274

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qu’il venait faire une requête pour un certain Arnoux.

— Ah ! ah ! l’ancien marchand de tableaux, dit le banquier, avec un rire muet découvrant ses gencives. Oudry le garantissait, autrefois ; on s’est fâché.

Et il se mit à parcourir les lettres et les journaux posés près de son couvert.

Deux domestiques servaient, sans faire de bruit sur le parquet ; et la hauteur de la salle, qui avait trois portières en tapisserie et deux fontaines de marbre blanc, le poli des réchauds, la disposition des hors-d’œuvre, et jusqu’aux plis raides des serviettes, tout ce bien-être luxueux établissait dans la pensée de Frédéric un contraste avec un autre déjeuner chez Arnoux. Il n’osait interrompre M. Dambreuse.

Madame remarqua son embarras.

— Voyez-vous quelquefois notre ami Martinon ?

— Il viendra ce soir, dit vivement la jeune fille.

— Ah ! tu le sais ? répliqua sa tante, en arrêtant sur elle un regard froid.

Puis, un des valets s’étant penché à son oreille :

— Ta couturière, mon enfant !… miss John !

Et l’institutrice, obéissante, disparut avec son élève.

M. Dambreuse, troublé par le dérangement des chaises, demanda ce qu’il y avait.

— C’est Mme Regimbart.

— Tiens ! Regimbart ! Je connais ce nom-là. J’ai rencontré sa signature.

Frédéric aborda enfin la question ; Arnoux mé-