Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/275

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ritait de l’intérêt ; il allait même, dans le seul but de remplir ses engagements, vendre une maison à sa femme.

— Elle passe pour très jolie, dit Mme  Dambreuse.

Le banquier ajouta d’un air bonhomme :

— Êtes-vous leur ami… intime ?

Frédéric, sans répondre nettement, dit qu’il lui serait fort obligé de prendre en considération…

— Eh bien, puisque cela vous fait plaisir, soit ! on attendra ! J’ai du temps encore. Si nous descendions dans mon bureau, voulez-vous ?

Le déjeuner était fini ; Mme  Dambreuse s’inclina légèrement, tout en souriant d’un rire singulier, plein à la fois de politesse et d’ironie. Frédéric n’eut pas le temps d’y réfléchir, car M. Dambreuse, dès qu’ils furent seuls :

— Vous n’êtes pas venu chercher vos actions.

Et, sans lui permettre de s’excuser :

— Bien ! bien ! il est juste que vous connaissiez l’affaire un peu mieux.

Il lui offrit une cigarette et commença.

L’Union générale des Houilles françaises était constituée ; on n’attendait plus que l’ordonnance. Le fait seul de la fusion diminuait les frais de surveillance et de main-d’œuvre, augmentait les bénéfices. De plus, la Société imaginait une chose nouvelle, qui était d’intéresser les ouvriers à son entreprise. Elle leur bâtirait des maisons, des logements salubres ; enfin elle se constituait le fournisseur de ses employés, leur livrait tout à prix de revient.

— Et ils gagneront, monsieur ; voilà du véritable progrès ; c’est répondre victorieusement à