Aller au contenu

Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais, quand il fut assis près d’elle, son embarras commença ; le point de départ lui manquait. Sénécal, heureusement, vint à sa pensée.

— Rien de plus sot, dit-il, que cette punition

Mme Arnoux reprit :

— Il y a des sévérités indispensables.

— Comment, vous qui êtes si bonne ! Oh ! je me trompe ! car vous vous plaisez quelquefois à faire souffrir !

— Je ne comprends pas les énigmes, mon ami.

Et son regard austère, plus encore que le mot, l’arrêta. Frédéric était déterminé à poursuivre. Un volume de Musset se trouvait par hasard sur la commode. Il en tourna quelques pages, puis se mit à parler de l’amour, de ses désespoirs et de ses emportements.

Tout cela, suivant Mme Arnoux, était criminel ou factice.

Le jeune homme se sentit blessé par cette négation et, pour la combattre, il cita en preuve les suicides qu’on voit dans les journaux, exalta les grands types littéraires, Phèdre, Didon, Roméo, Desgrieux. Il s’enferrait.

Le feu dans la cheminée ne brûlait plus, la pluie fouettait contre les vitres. Mme Arnoux, sans bouger, restait les deux mains sur les bras de son fauteuil ; les pattes de son bonnet tombaient comme les bandelettes d’un sphinx ; son profil pur se découpait en pâleur au milieu de l’ombre.

Il avait envie de se jeter à ses genoux. Un craquement se fit dans le couloir, il n’osa.

Il était empêché, d’ailleurs, par une sorte de crainte religieuse. Cette robe, se confondant avec