Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/465

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lage des princesses et des seigneurs travestis en nymphes et en sylvains, époque de science ingénue, de passions violentes et d’art somptueux, quand l’idéal était d’emporter le monde dans un rêve des Hespérides, et que les maîtresses des rois se confondaient avec les astres. La plus belle de ces fameuses s’était fait peindre à droite, sous la figure de Diane chasseresse, et même en Diane Infernale, sans doute pour marquer sa puissance jusque par delà le tombeau. Tous ces symboles confirment sa gloire ; et il reste là quelque chose d’elle, une voix indistincte, un rayonnement qui se prolonge.

Frédéric fut pris par une concupiscence rétrospective et inexprimable. Afin de distraire son désir, il se mit à considérer tendrement Rosanette, en lui demandant si elle n’aurait pas voulu être cette femme.

— Quelle femme ?

— Diane de Poitiers !

Il répéta :

— Diane de Poitiers, la maîtresse d’Henri II.

Elle fit un petit : « Ah ! ». Ce fut tout.

Son mutisme prouvait clairement qu’elle ne savait rien, ne comprenait pas, si bien que par complaisance il lui dit :

— Tu t’ennuies peut-être ?

— Non, non, au contraire !

Et, le menton levé, tout en promenant à l’entour un regard des plus vagues, Rosanette lâcha ce mot

— Ça rappelle des souvenirs !

Cependant, on apercevait sur sa mine un effort, une intention de respect ; et, comme