Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/598

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cents francs, puis se rabattit à mille, à huit cents, à sept cents.

Mme  Dambreuse, d’un ton folâtre, se moquait du sabot.

On posa devant les brocanteurs un petit coffret avec des médaillons, des angles et des fermoirs d’argent, le même qu’il avait vu au premier dîner dans la rue de Choiseul, qui ensuite avait été chez Rosanette, était revenu chez Mme  Arnoux ; souvent, pendant leurs conversations, ses yeux le rencontraient ; il était lié à ses souvenirs les plus chers, et son âme se fondait d’attendrissement, quand Mme  Dambreuse dit tout à coup :

— Tiens ! je vais l’acheter.

— Mais ce n’est pas curieux, reprit-il.

Elle le trouvait, au contraire, fort joli ; et le crieur en prônait la délicatesse :

— Un bijou de la Renaissance ! Huit cents francs, messieurs ! En argent presque tout entier ! Avec un peu de blanc d’Espagne, ça brillera !

Et, comme elle se poussait dans la foule :

— Quelle singulière idée ! dit Frédéric.

— Cela vous fâche ?

— Non ! Mais que peut-on faire de ce bibelot ?

— Qui sait ? y mettre des lettres d’amour, peut-être ?

Elle eut un regard qui rendait l’allusion fort claire.

— Raison de plus pour ne pas dépouiller les morts de leurs secrets.

— Je ne la croyais pas si morte.

Elle ajouta distinctement :

— Huit cent quatre-vingts francs !