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Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/284

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petite fête de famille. C’est fini, n’est-ce pas, Messieurs ? — Vicomte mettez votre bras en écharpe ; tenez, voilà mon foulard. » Puis, avec un geste impérieux : « Allons ! pas de rancune ! Cela se doit ! »

Les deux combattants se serrèrent la main, mollement. Le Vicomte, M. de Comaing et Joseph disparurent d’un côté, et Frédéric s’en alla de l’autre avec ses amis.

Comme le restaurant de Madrid n’était pas loin, Arnoux proposa de s’y rendre pour boire un verre de bière.

— « On pourrait même déjeuner », dit Regimbart.

Mais, Dussardier n’en ayant pas le loisir, ils se bornèrent à un rafraîchissement, dans le jardin. Tous éprouvaient cette béatitude qui suit les dénouements heureux. Le Citoyen, cependant, était fâché qu’on eût interrompu le duel au bon moment.

Arnoux en avait eu connaissance par un nommé Compain, ami de Regimbart ; et dans un élan de cœur, il était accouru pour l’empêcher, croyant, du reste, en être la cause. Il pria Frédéric de lui fournir là-dessus quelques détails. Frédéric, ému par les preuves de sa tendresse, se fit scrupule d’augmenter son illusion — « De grâce, n’en parlons plus ! »

Arnoux trouva cette réserve fort délicate. Puis, avec sa légèreté ordinaire, passant à une autre idée : « Quoi de neuf, Citoyen ? »

Et ils se mirent à causer traites, échéances. Afin d’être plus commodément, ils allèrent même chuchoter à l’écart sur une autre table.

Frédéric distingua ces mots : « Vous allez me souscrire. — Oui ! mais, vous, bien entendu… — Je l’ai négocié enfin pour trois cents ! — Jolie commission, ma foi ! » Bref, il était clair qu’Arnoux tripotait avec le Citoyen beaucoup de choses.

Frédéric songea à lui rappeler ses quinze mille