Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un tabouret devant elle ; on apercevait la pointe d’un soulier de satin noir ; et Mme Dambreuse, par intervalles, lançait une parole plus haute, quelquefois même un rire.

Ces coquetteries n’atteignaient pas Martinon, occupé de Cécile ; mais elles allaient frapper la petite Roque, qui causait avec Mme Arnoux. C’était la seule, parmi ces femmes, dont les manières ne lui semblaient pas dédaigneuses. Elle était venue s’asseoir à côté d’elle ; puis, cédant à un besoin d’épanchement :

— « N’est-ce pas qu’il parle bien, Frédéric Moreau ? »

— « Vous le connaissez ? »

— « Oh ! beaucoup ! Nous sommes voisins. Il m’a fait jouer toute petite. »

Mme Arnoux lui jeta un long regard qui signifiait : « Vous ne l’aimez pas, j’imagine ? »

Celui de la jeune fille répliqua sans trouble : — « Si »

— « Vous le voyez souvent, alors ? »

— « Oh ! non ! seulement quand il vient chez sa mère. Voilà dix mois qu’il n’est venu ! Il avait promis cependant d’être plus exact. »

— « Il ne faut pas trop croire aux promesses des hommes, mon enfant. » — « Mais il ne m’a pas trompée, moi ! »

— « Comme d’autres ! »

Louise frissonna : « Est-ce que, par hasard, il lui aurait aussi promis quelque chose, à elle ? » et sa figure était crispée de défiance et de haine.

Mme Arnoux en eut presque peur ; elle aurait voulu rattraper son mot. Puis, toutes deux se turent.

Comme Frédéric se trouvait en face, sur un pliant, elles le considéraient, l’une avec décence, du coin des paupières, l’autre franchement, la bouche ouverte, si bien que Mme Dambreuse lui dit :

— « Tournez-vous donc, pour qu’elle vous voie ! »

— « Qui cela ? »

— «