Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/431

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— « Eh bien reste ! Moi, j’y vais ! »

Louise glissa comme une couleuvre dans l’escalier. Catherine s’élança par derrière, la rejoignit sur le trottoir. Ses représentations furent inutiles ; et elle la suivait, tout en achevant de nouer sa camisole. Le chemin lui parut extrêmement long. Elle se plaignait de ses vieilles jambes.

— « Après ça, moi, je n’ai pas ce qui vous pousse, dame ! »

Puis elle s’attendrissait.

— « Pauvre cœur ! Il n’y a encore que ta Catau, vois-tu ! »

Des scrupules, de temps en temps, la reprenaient.

— « Ah ! vous me faites faire quelque chose de joli ! Si votre père se réveillait ! Seigneur Dieu ! Pourvu qu’un malheur n’arrive pas ! »

Devant le théâtre des Variétés, une patrouille de gardes nationaux les arrêta. Louise dit tout de suite qu’elle allait avec sa bonne dans la rue Rumford chercher un médecin. On les laissa passer.

Au coin de la Madeleine, elles rencontrèrent une seconde patrouille ; et, Louise ayant donné la même explication, un des citoyens reprit :

— « Est-ce pour une maladie de neuf mois, ma petite chatte ? »

— « Gougibaud ! » s’écria le capitaine, « pas de polissonneries dans les rangs ! — Mesdames, circulez ! »

Malgré l’injonction, les traits d’esprit continuèrent :

— « Bien du plaisir ! »

— « Mes respects au docteur ! »

— « Prenez garde au loup ! »

— « Ils aiment à rire », remarqua tout haut Catherine.

— « C’est jeune ! »

Enfin, elles arrivèrent chez Frédéric. Louise tira la sonnette avec vigueur, plusieurs fois. La porte s’entrebâilla ; et le concierge répondit à sa demande :

— « Non ! »