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Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/461

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Cette allusion à l’aisance de leurs amours parut blesser Mme Dambreuse.

— « Eh ! tu ne sais pas les services que je lui rendais, ni dans quelles angoisses j’ai vécu ! »

— « Comment ? »

— « Mais oui ! Était-ce une sécurité que d’avoir toujours près de soi cette bâtarde, une enfant introduite dans la maison au bout de cinq ans de ménage, et qui, sans moi, bien sûr, l’aurait amené à quelque sottise ? »

Alors, elle expliqua ses affaires. Ils s’étaient mariés sous le régime de la séparation. Son patrimoine était de trois cent mille francs. M. Dambreuse, par leur contrat, lui avait assuré, en cas de survivance, quinze mille livres de rente avec la propriété de l’hôtel. Mais, peu de temps après, il avait fait un testament où il lui donnait toute sa fortune ; et elle l’évaluait, autant qu’il était possible de le savoir maintenant, à plus de trois millions.

Frédéric ouvrit de grands yeux.

— « Ça en valait la peine, n’est-ce pas ? J’y ai contribué, du reste ! C’était mon bien que je défendais ; Cécile m’aurait dépouillée, injustement. »

— « Pourquoi n’est-elle pas venue voir son père ? » dit Frédéric.

À cette question, Mme Dambreuse le considéra ; puis, d’un ton sec :

— « Je n’en sais rien ! Faute de cœur, sans doute ! Oh ! je la connais ! Aussi elle n’aura pas de moi une obole ! » Elle n’était guère gênante, du moins depuis son mariage.

— « Ah ! son mariage ! » fit en ricanant Mme Dambreuse.

Et elle s’en voulait d’avoir trop bien traité cette pécore-là, qui était jalouse, intéressée, hypocrite. « Tous les défauts de son père ! » Elle le dénigrait de plus en