Page:Flaubert - Lettres de Gustave Flaubert a George Sand.djvu/385

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chose est vraie, elle est bonne. Les livres obscènes ne sont même immoraux que parce qu’ils manquent de vérité. Ça ne se passe pas « comme çà » dans la vie.

Et notez que j’exècre ce qu’on est convenu d’appeler le réalisme, bien qu’on m’en fasse un des pontifes ; arrangez tout cela.

Quant au public, son goût m’épate de plus en plus. Hier, par exemple, j’ai assisté à la première du Prix Martin, une bouffonnerie que je trouve, moi,’ pleine d’esprit. Pas un des mots de la pièce n’a fait rire, et le dénouement, qui me semble hors ligne, a passé inaperçu. Donc, chercher ce qui peut plaire me parait la plus chimérique des entreprises. — Car je défie qui que ce soit de me dire par quels moyens on plaît. Le succès est une conséquence et ne doit pas étre un but. Je ne l’ai jamais cherché (bien que je le désire) et je le cherche de moins en moins.

Après mon petit conte, j’en ferai on autre, — car je suis trop profondément ébranlé pour me mettre à une grande œuvre. J’avais d’abord pensé à publier Saint Julien dans un journal, mais j’y ai renoncé.