Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/442

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

réchauds d’argent, le bouton des portes en cristal, le parquet et les meubles, tout reluisait d’une propreté méticuleuse, anglaise ; les carreaux étaient décorés, à chaque angle, par des verres de couleur.

— Voilà une salle à manger, pensait Emma, comme il m’en faudrait une.

Le notaire entra, serrant du bras gauche contre son corps sa robe de chambre à palmes, tandis qu’il ôtait et remettait vite de l’autre main sa toque de velours marron, prétentieusement posée sur le côté droit, où retombaient les bouts de trois mèches blondes qui, prises à l’occiput, contournaient son crâne chauve.

Après qu’il eut offert un siège, il s’assit pour déjeuner, tout en s’excusant beaucoup de l’impolitesse.

— Monsieur, dit-elle, je vous prierais…

— De quoi, madame ? J’écoute.

Elle se mit à lui exposer sa situation.

Maître Guillaumin la connaissait, étant lié secrètement avec le marchand d’étoffes, chez lequel il trouvait toujours des capitaux pour les prêts hypothécaires qu’on lui demandait à contracter.

Donc, il savait (et mieux qu’elle) la longue histoire de ces billets, minimes d’abord, portant comme endosseurs des noms divers, espacés à de longues échéances et renouvelés continuellement, jusqu’au jour où, ramassant tous les protêts, le marchand avait chargé son ami Vinçart de faire en son nom propre les poursuites qu’il fallait, ne voulant point passer pour un tigre parmi ses concitoyens.

Elle entremêla son récit de récriminations