Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/148

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pain trempé. Le tapis sur lequel nous nous étendons a plus de puces que de fils, la chambre est bâtie en terre ; elle a deux fenêtres et une porte au haut d’un escalier en ruines. Je passe la nuit les yeux ouverts ; je vais fumer, dans ma pelisse, sur le mur, près de là, à gauche en sortant, et je regarde les étoiles. Le ciel est pur, les étoiles ont l’air de colliers, de couronnes brisées… les chiens aboient ; plus près, un petit enfant crie dans la nuit. À 5 heures, je réveille Joseph qui se lève d’un bond : « Si signore » ; à 6 heures, nous partons pour le lac, le sheik en tête.

Au bout de deux heures de marche, la verdure nous quitte, le terrain, sec, est crevassé par de grandes fentes régulières. — Canal de Bahr-Yousouf, énorme encaissement ; l’eau coule au fond entre des verdures rabougries. — Pittoresque inattendu des montagnes au milieu d’un pays plat.

Le lac est tout bleu foncé, les montagnes derrière. On arrive jusqu’au bord difficilement, à cause du marais. Les gens de la suite du sheik vont dans l’eau jusqu’aux genoux pêcher des poissons qu’ils prennent avec la main. Nous ne voyons du lac aucune extrémité, ni ce qui le termine à droite, ni ce qui le termine à gauche, mais seulement ce qui est en face, et la rive où nous sommes.

Retour à Abou-Gausch. Nous dévorons à pleines mains un morceau de mouton. Le brave sheik reçoit, à l’insu de ses gens, quatre medgids.

Retour à Medinet. Les buffles, les moutons, les chèvres, tout rentre, les gamins à califourchon sur des ânes chargés d’herbes, la poussière tourbillonne sous le pied des bêtes. — Dîner chez