Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/171

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elle semble un grand oiseau (une cigogne) arrêté les ailes ouvertes, mais dont la tête serait cachée sous ses jambes.

Un homme se jette à l’eau pour porter le câble de l’autre bord. Je vais à pieds nus sur les rochers, guidé par le fils d’un sheik d’un village voisin qui, la veille, était venu travailler à bord. On attache un câble de côté pour que le bateau ne dévie pas, et avec un second câble on tire en avant.

Un vieux raïs (Douchi) vient là rien que pour crier ; il se balançait comme un singe et lançait ses bras en poussant des cris aigus qu’il variait, paraissant s’inquiéter beaucoup plus de faire suivre ce rythme que de la manière dont on tirait le câble. Quelquefois le bateau était entré dans l’eau jusqu’à moitié par l’avant, tandis que l’arrière, levé déjà du niveau inférieur, restait suspendu en l’air. Une longue file d’hommes sur les rochers, tirant tous à la fois en chantant ; la cange couverte d’hommes qui poussaient, criaient, chantaient ; bruit des eaux, enfants s’y jetant, corps ruisselants d’eau qui en sortent, écume au bord des rochers noirs, soleil, sables jaunes.

Nous passons au milieu d’un petit village nubien. Un soldat (en vert) veut me prendre mon guide pour une rixe de la veille ; j’arrange l’affaire. — Petite fille nue avec un caleçon de franges de cuir, un collier et des bracelets de perles de couleur ; les cheveux frisés en petites mèches sont disposés sur le front de manière à y décrire un fer à cheval.

La cataracte abandonnée, ouverte il y a une quarantaine d’années par le vieux Douchi et où il