Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/223

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toutes les pierres sont encore disposées, malgré leur chute, comme serait une colonne de dames, à bas. Nous revenons, l’allée des sphinx n’a pas une tête, ils sont tous décapités. Des gypaètes blancs, au bec jaune, voltigent sur une butte autour d’une charogne ; à droite il y en a trois sur leurs pattes, arrêtés, et qui nous regardent passer tranquillement. Un Arabe passe au grand trop devant nous sur son dromadaire.

Coucher de soleil à Louqsor. — Au coucher du soleil, je m’en vais du côté du jardin français, vers une petite crique que fait le Nil ; l’eau est toute plate, un moucheron y trempant ses ailes la dérangerait. Des chèvres, des moutons, des buffles pêle-mêle viennent y boire, de petits chevreaux tètent leurs mères, pendant que celles-ci sont à boire dans l’eau ; une d’elles a les mamelles prises dans un sac. Des femmes viennent prendre de l’eau dans de grands vases ronds, qu’elles remettent sur leur tête ; quand un troupeau est parti il en revient un autre, les bêtes bêlent ou mugissent avec des voix différentes, peu à peu tout s’en va, la nuit vient ; sur le sable, de place en place, un Arabe fait sa prière. Les montagnes grises d’en face (chaîne libyque) sont couvertes d’un ton bleu ; des nappes d’atmosphère violet se répandent sur l’eau, puis peu à peu cette couleur blanchit et la nuit vient.

Première visite à Medinet-Abou. — Après le dîner nous traversons le Nil et nous allons au pied de la montagne de Médinet-Abou passer la nuit à l’affût de l’hyène. Nous nous couchons, à la belle étoile (et quelles étoiles !) sur nos paletots, au milieu des pierres ; Joseph et les guides causent