Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/224

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toute la nuit ; le mouton que nous avions pris dans un village (de ce côté du Nil) reste attaché, et le lendemain nous le retrouvons intact.

À 6 heures du matin, nous déjeunons dans le palais de Médinet-Abou, avec du lait et des œufs durs. La montagne, toute proche par derrière, domine ce grand édifice encore debout ; architecture et paysage semblent avoir été faits par le même ouvrier.

Le sieur Rosa. — Nous allons faire visite au sieur Rosa, marchand d’antiquités, Grec de Lemnos. C’est pousser loin la haine de toute végétation, le site est un vrai four à plâtre ; des chiens aboient, on ne veut pas nous ouvrir, enfin on nous ouvre la porte. Dans la cour, momies débandelettées, debout, dans le coin à gauche en entrant ; l’un s’écore des deux mains sur son phallus, un autre fait une torsion de la bouche et a les épaules remontées comme si le vivant fût mort dans une grande convulsion. Dans une salle basse, au rez-de-chaussée, il y a des momies dans leur cercueil : fort beau cercueil de femme, peinture brune ; deux autres momies dans des cercueils non ouverts. Le vieux Grec vit là, il a mal aux yeux et se les essuie avec son mouchoir ; on cause politique, c’est-à-dire des affaires de Grèce, il va se chercher des journaux grecs et en lit tout bas quelques passages.

Les colosses de Memnon sont très gros ; quant à faire de l’effet, non. Quelle différence avec le Sphinx ! Les inscriptions grecques se lisent très bien, il n’a pas été difficile de les relever. Des pierres qui ont occupé tant de monde, que tant d’hommes sont venus voir, font plaisir à contem-