Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bleue. Au vieux Kosséir, la mer prend des couleurs fabuleuses et sans transition de l’une sur l’autre, depuis le marron foncé jusqu’à l’azur limpide. La mer Rouge ressemble plus à l’Océan qu’à la Méditerranée. Que de coquilles ! Maxime, indigéré, dort sur le sable, M. Barthélemy et le fils Élias cherchent des coquilles. Odeur des flots. De grands oiseaux passaient à tire d’ailes. Soleil, soleil et mer bleue ; dans le sable, de grands morceaux de nacre.

À 4 heures nous disons adieu au père Élias ; c’est un des moments de ma vie où j’ai été le plus triste, l’amertume me crispa le cœur ; le père Élias lui-même la ressent, il a les yeux pleins d’eau et m’embrasse.

Couché à El-Bedah. — Seul je mange, Maxime a son indigestion, et Joseph est empoigné de la fièvre. Vent violent toute la nuit.

Vendredi 24 mai. — L’eau de Kosséir, repourrie dans les outres, devient trop mauvaise pour être bue, il faut s’en tenir aux pastèques. Nous rencontrons des pèlerins d’Alexandrie qui vont à Kosséir, tous à dromadaire ; les femmes crient en se disputant et en gesticulant fort. À 10 heures nous nous arrêtons en plein soleil, dans une grande plaine, El-Mour ; avec une corde nous attachons nos couvertures à un gazis tant bien que mal, et nous essayons de dormir dessous. Le soir, à 7 heures trois quarts, nous nous arrêtons et couchons à El-Marhar (la grotte).

Samedi 25, à Bir-el-Ceb. — Le pauvre chameau est mort et assez entamé, les gypaètes le guignent. Je me jette la tête dans une terrine en bois et je bois à grands traits l’eau terreuse du puits,