Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/343

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Rien n’est moins curieux à voir que la synagogue des juifs. Nous y sommes allés un matin (samedi dernier) ; les femmes, toutes en blanc, restent à la porte dans la cour, les hommes seuls et les jeunes gens sont dans la synagogue, assis sur des bancs, tous lisant (ou chantant) dans un livre et la tête couverte d’un voile. Au milieu, une espèce d’estrade, le prêtre se balance avec ce même mouvement que nous avons vu au juif qui priait contre le mur du Temple à Jérusalem. Devant lui, sur une espèce d’autel (mal vu à cause de la foule), deux ou trois machines en argent, ressemblant à des tuyaux de galaoums, et avec des chaînettes d’argent. — Bientôt ils se sont mis tous à crier à tue-tête. J’avais à ma droite un enfant d’environ 12 à 13 ans, qui détonnait, en psalmodiant et se balançant, de toute la force de sa voix grêle ; il était debout et lisait dans un livre où lisait aussi, assis, un homme, son père sans doute. Un peu plus loin, à droite, le dos appuyé au mur, un vieillard édenté en turban noir et à besicles. Je ne sais qui était derrière moi, mais je me sentais la nuque chauffée par le vent d’une haleine chaude qui sortait en cadence d’une poitrine psalmodiante.

Les turbans des juifs d’ici n’ont pas la forme de bande roulée qu’ils ont à Jérusalem, à Tabarieh, à Zafed ; il me semble qu’il y a plus de liberté, quelques-uns ressemblent tout à fait au turban copte. Je n’ai pas non plus vu le bon chapeau en lune, que portent les femmes à Jérusalem ; en revanche, la chevelure factice en soie tressée et qui tombe derrière le dos est énorme et très lourde. Dans une des maisons juives, nous en avons vu une qui devait couvrir tout le dos et