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ÉGYPTE.

À Avignon, il a fallu de suite se mettre en chemin de fer sans pouvoir revoir son château des Papes ni son charmant musée, où l’on est tout seul, lisant les inscriptions antiques sur les stèles de marbre, au bruit des arbres du jardin qui se penchent contre les carreaux.

Ici, en cette ville, j’ai vu autrefois, en passant dans une rue (et de la rue), une chambre au rez-de-chaussée où il y avait sept lits bout à bout. Voilà de la prostitution pourpre au moins ; les fenêtres étaient toutes grandes ouvertes et les demoiselles en robes roses debout sur le seuil de la porte.

Par respect pour le beau style je donne un souvenir à Chapelle et à Bachaumont, qui retrouvèrent en terre papale M. d’Assoucy avec son petit page. Voilà deux lurons qui ne s’inquiétaient guère d’archéologie ! et qui voyageaient peu pour le pittoresque. Autre temps, autres phrases, chaque siècle a son encre.

Nous étions seuls dans le chemin de fer avec un bon monsieur qui souriait chaque fois qu’une locomotive passait devant nous, et qui répétait entre ses dents : « Hein ? ce que c’est pourtant que l’industrie humaine ! »

Il pleuvait quand nous arrivâmes à Marseille, et après avoir déjeuné, nous fîmes un somme sur nos lits.

VIII

La première fois que je suis arrivé à Marseille, c’était par un matin de novembre. Le soleil brillait sur la mer, elle était plate comme un miroir,