Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/32

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nègre, boiteux. — Levantins smyrniotes en partie de campagne, avec une flûte et un violon. — Nous faisons le tour du pays.

Halte à un café, bâti sur pilotis dans la mer.

À travers champs, fossés et marais, Stéphany me conte des histoires de sorcier : il a vu à Beyrout un sorcier qui faisait venir à travers les airs, de Damas à Beyrout, une fille sur son lit ; il finit pourtant par m’avouer qu’il n’a vu que le nuage qui enveloppait la jeune fille, ou même qu’un nuage. À Smyrne, on croit beaucoup au sortilège, aux enchantements ; quant à lui, il n’accepterait jamais une tasse de café ou un verre d’eau d’une jeune fille, de peur d’être forcé malgré lui à l’aimer. Une jeune personne, amie de Mlle Camescasse, m’a dit que celui qui cueillait les feuilles du Ligaria se faisait aimer de la personne qu’il aime ; j’en ai souvent cueilli sans y songer, je cherche à savoir qui m’aimera. Ô vertu de la plante ! comme je t’aurais bénie dans ma jeunesse !

Nous revenons à Smyrne en trois quarts d’heure, temps de galop brillants. — Le soir, dîner chez le docteur Ballard. — Mme Matron, grosse bonne de Smyrne, en robe verte, bonnet, gants blancs, trois mentons, et le nez pointu quoique épaté de la base. — Après le dîner, au théâtre, « il signor Nicosia », grec, violoniste à longs cheveux et qui met son mouchoir dans la poche de son pantalon ; Webber, ivre et troublant la salle de spectacle ; présentation à M. Daiglemont, en robe de chambre, quelle cordelière ! et à M. Desbans, œil du sieur Desbans, paletot du sieur Andrieu. Nous revoyons la Seconde année de Scribe !

De Smyrne à Constantinople. — Vendredi 8,