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Page:Flaubert - Salammbô.djvu/102

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paraissait autour des cuisines ni des celliers. Ils s’étonnaient de ce silence, interrompu quelquefois par le souffle rauque des éléphants qui s’agitaient dans leurs entraves, et la crépitation du phare où flambait un bûcher d’aloès.

Mâtho, cependant, répétait :

— Où est-elle ? je veux la voir ! Conduis-moi !

— C’est une démence ! disait Spendius. Elle appellera, ses esclaves accourront, et malgré ta force, tu mourras !

Ils atteignirent ainsi l’escalier des galères. Mâtho leva la tête, et il crut apercevoir, tout en haut, une vague clarté rayonnante et douce. Spendius voulut le retenir. Il s’élança sur les marches.

En se retrouvant aux places où il l’avait déjà vue, l’intervalle des jours écoulés s’effaça dans sa mémoire. Tout à l’heure elle chantait entre les tables ; elle avait disparu, et depuis lors il montait continuellement cet escalier. Le ciel, sur sa tête, était couvert de feux ; la mer emplissait l’horizon ; à chacun de ses pas une immensité plus large l’entourait, et il continuait à gravir avec l’étrange facilité que l’on éprouve dans les rêves.

Le bruissement du voile frôlant contre les pierres lui rappela son pouvoir nouveau ; dans l’excès de son espérance, il ne savait plus ce qu’il devait faire ; cette incertitude l’intimida.

De temps à autre, il collait son visage contre les baies quadrangulaires des appartements fermés, et il crut voir dans plusieurs des personnes endormies.

Le dernier étage, plus étroit, formait comme un dé sur le sommet des terrasses. Mâtho en fit le tour, lentement.