Page:Flaubert - Salammbô.djvu/103

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Une lumière laiteuse emplissait les feuilles de talc qui bouchaient les petites ouvertures de la muraille ; et, symétriquement disposées, elles ressemblaient dans les ténèbres à des rangs de perles fines. Il reconnut la porte rouge à croix noire. Les battements de son cœur redoublèrent. Il aurait voulu s’enfuir. Il poussa la porte ; elle s’ouvrit.

Une lampe en forme de galère brûlait suspendue dans le lointain de la chambre ; et trois rayons, qui s’échappaient de sa carène d’argent, tremblaient sur les hauts lambris, couverts d’une peinture rouge à bandes noires. Le plafond était un assemblage de poutrelles, portant au milieu de leur dorure des améthystes et des topazes dans les nœuds du bois. Sur les deux grands côtés de l’appartement, s’allongeait un lit très bas fait de courroies blanches ; et des cintres, pareils à des coquilles, s’ouvraient au-dessus, dans l’épaisseur de la muraille, laissant déborder quelque vêtement qui pendait jusqu’à terre.

Une marche d’onyx entourait un bassin ovale ; de fines pantoufles en peau de serpent étaient restées sur le bord avec une buire d’albâtre. La trace d’un pas humide s’apercevait au delà. Des senteurs exquises s’évaporaient.

Mâtho effleurait les dalles incrustées d’or, de nacre et de verre ; et malgré la polissure du sol, il lui semblait que ses pieds enfonçaient comme s’il eût marché dans des sables.

Il avait aperçu derrière la lampe d’argent un grand carré d’azur se tenant en l’air par quatre cordes qui remontaient, et il s’avançait, les reins courbés, la bouche ouverte.