d’un seul coup, disparut, et Salammbô se réveilla.
Le feu s’était de soi-même éteint. Elle ne parlait pas. La lampe faisait osciller sur les lambris de grandes moires lumineuses.
— Qu’est-ce donc ? dit-elle.
Il répondit :
— C’est le voile de la Déesse !
— Le voile de la Déesse ! s’écria Salammbô.
Et appuyée sur les deux poings, elle se penchait en dehors toute frémissante. Il reprit :
— J’ai été le chercher pour toi dans les profondeurs du sanctuaire ! Regarde !
Le zaïmph étincelait tout couvert de rayons.
— T’en souviens-tu ? disait Mâtho. La nuit, tu apparaissais dans mes songes ; mais je ne devinais pas l’ordre muet de tes yeux !
Elle avança un pied sur l’escabeau d’ébène.
— Si j’avais compris, je serais accouru ; j’aurais abandonné l’armée ; je ne serais pas sorti de Carthage. Pour t’obéir, je descendrais par la caverne d’Hadrumète dans le royaume des Ombres !… Pardonne ! c’étaient comme des montagnes qui pesaient sur mes jours ; et pourtant quelque chose m’entraînait ! Je tâchais de venir jusqu’à toi ! Sans les dieux, est-ce que jamais j’aurais osé !… Partons ! il faut me suivre ! ou, si tu ne veux pas, je vais rester. Que m’importe… Noie mon âme dans le souffle de ton haleine ! Que mes lèvres s’écrasent à baiser tes mains !
— Laisse-moi voir ! disait-elle. Plus près ! plus près !
L’aube se levait, et une couleur vineuse emplissait les feuilles de talc dans les murs. Salammbô