Page:Flaubert - Salammbô.djvu/260

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comme un enfant qui porte la main sur un fruit inconnu, tout en tremblant, du bout de son doigt, il la toucha légèrement sur le haut de sa poitrine ; la chair un peu froide céda avec une résistance élastique.

Ce contact, à peine sensible pourtant, ébranla Mâtho jusqu’au fond de lui-même. Un soulèvement de tout son être le précipitait vers elle. Il aurait voulu l’envelopper, l’absorber, la boire. Sa poitrine haletait, il claquait des dents.

En la prenant par les deux poignets il l’attira doucement ; et il s’assit alors sur une cuirasse, près du lit de palmier que couvrait une peau de lion. Elle était debout. Il la regardait de bas en haut, en la tenant ainsi entre ses jambes, et il répétait :

— Comme tu es belle ! comme tu es belle !

Ses yeux continuellement fixés sur les siens la faisaient souffrir ; ce malaise, cette répugnance augmentaient d’une façon si aiguë que Salammbô se retenait pour ne pas crier. La pensée de Schahabarim lui revint ; elle se résigna.

Mâtho gardait toujours ses petites mains dans les siennes ; et, de temps à autre, malgré l’ordre du prêtre, en tournant le visage, elle tâchait de l’écarter avec des secousses de ses bras. Il ouvrait les narines pour mieux humer le parfum s’exhalant de sa personne. C’était une émanation indéfinissable, fraîche, et cependant qui étourdissait comme la fumée d’une cassolette. Elle sentait le miel, le poivre, l’encens, les roses, et une autre odeur encore.

Mais comment se trouvait-elle près de lui, dans sa tente, à sa discrétion ? Quelqu’un, sans doute,