Page:Flaubert - Salammbô.djvu/275

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clameur immense éclata, un long cri de triomphe et d’espoir. Ceux qui étaient en marche s’arrêtèrent ; les moribonds, s’appuyant sur le coude, se retournaient pour la bénir. Les Barbares savaient, maintenant, qu’elle avait repris le zaïmph ; de loin ils la voyaient, ils croyaient la voir ; et d’autres cris, mais de rage et de vengeance, retentissaient, malgré les applaudissements des Carthaginois ; les cinq armées, s’étageant sur la montagne, trépignaient et hurlaient ainsi autour de Salammbô.

Hamilcar, sans pouvoir parler, la remerciait par des signes de tête. Ses yeux se portaient alternativement sur le zaïmph et sur elle ; sa chaînette était rompue. Alors il frissonna, saisi par un soupçon terrible. Mais reprenant vite son impassibilité, il considéra Narr’Havas obliquement, sans tourner la figure.

Le roi des Numides se tenait à l’écart dans une attitude discrète ; il portait au front un peu de la poussière qu’il avait touchée en se prosternant. Enfin le Suffète s’avança vers lui, et, avec un air plein de gravité :

— En récompense des services que tu m’as rendus, Narr’Havas, je te donne ma fille.

Il ajouta :

— Sois mon fils et défends ton père !

Narr’Havas eut un grand geste de surprise, puis se jeta sur ses mains, qu’il couvrit de baisers.

Salammbô, calme comme une statue, semblait ne pas comprendre. Elle rougissait un peu, tout en baissant les paupières ; ses longs cils recourbés faisaient des ombres sur ses joues.

Hamilcar voulut immédiatement les unir par des fiançailles indissolubles. On mit entre les