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Page:Flaubert - Salammbô.djvu/311

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des pieux, la bouche ouverte et les deux bras écartés.

L’assaut, pendant plusieurs jours de suite, recommença, les Mercenaires espérant triompher par un excès de force et d’audace.

Quelquefois un homme sur les épaules d’un autre enfonçait une fiche entre les pierres, puis s’en servait comme d’un échelon pour atteindre au delà, en plaçait une seconde, une troisième ; et, protégés par le bord des créneaux dépassant la muraille, peu à peu ils s’élevaient ainsi ; mais, toujours à une certaine hauteur, ils retombaient. Le grand fossé trop plein débordait ; sous les pas des vivants, les blessés pêle-mêle s’entassaient avec les cadavres et les moribonds. Au milieu des entrailles ouvertes, des cervelles épandues et des flaques de sang, les troncs calcinés faisaient des taches noires ; et des bras et des jambes à moitié sortis d’un monceau se tenaient tout debout, comme des échalas dans un vignoble incendié.

Les échelles se trouvant insuffisantes, on employa les tollénones, instruments composés d’une longue poutre établie transversalement sur une autre, et portant à son extrémité une corbeille quadrangulaire où trente fantassins pouvaient se tenir avec leurs armes.

Mâtho voulut monter dans la première qui fut prête. Spendius l’arrêta.

Des hommes se courbèrent sur un moulinet ; la grande poutre se leva, devint horizontale, se dressa presque verticalement, et, trop chargée par le bout, elle pliait comme un immense roseau. Les soldats, cachés jusqu’au menton, se tas-