Page:Flaubert - Salammbô.djvu/313

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çait sa colère ; il en arrivait à des choses terribles et extravagantes. Il convoqua Salammbô, mentalement, à un rendez-vous ; puis il l’attendit. Elle ne vint pas ; cela lui parut une trahison nouvelle ; désormais, il l’exécra. S’il avait vu son cadavre, il se serait peut-être en allé. Il doubla les avant-postes, il planta des fourches au bas du rempart, il enfouit des chausse-trapes dans la terre, et il commanda aux Libyens de lui apporter toute une forêt pour y mettre le feu et brûler Carthage, comme une tanière de renards.

Spendius s’obstinait au siège. Il cherchait à inventer des machines épouvantables.

Les autres Barbares, campés au loin sur l’isthme, s’ébahissaient de ces lenteurs ; ils murmuraient ; on les lâcha.

Alors ils se précipitèrent avec leurs coutelas et leurs javelots, dont ils battaient les portes. La nudité de leurs corps facilitant leurs blessures, les Carthaginois les massacraient abondamment ; et les Mercenaires s’en réjouirent, sans doute par jalousie du pillage. Il en résulta des querelles, des combats entre eux. La campagne étant ravagée, bientôt on s’arracha les vivres. Ils se décourageaient. Des hordes nombreuses s’en allèrent. La foule était si grande qu’il n’y parut pas.

Les meilleurs tentèrent de creuser des mines ; le terrain, mal soutenu, s’éboula. Ils les recommencèrent en d’autres places ; Hamilcar devinait toujours leur direction en appliquant son oreille contre un bouclier de bronze. Il perça des contre-mines sous le chemin que devaient parcourir les tours de bois ; quand on voulut les pousser, elles s’enfoncèrent dans des trous.