Page:Flaubert - Salammbô.djvu/372

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— Non ! dix me suffisent, répondit doucement Hamilcar.

On les fit sortir de la tente afin qu’ils pussent délibérer. Dès qu’ils furent seuls, Autharite réclama pour les compagnons sacrifiés, et Zarxas dit à Spendius :

— Pourquoi ne l’as-tu pas tué ? son glaive était là, près de toi !

— Lui ! fit Spendius ; et il répéta plusieurs fois : « Lui ! lui ! » comme si la chose eût été impossible et Hamilcar quelqu’un d’immortel.

Tant de lassitude les accablait qu’ils s’étendirent par terre, sur le dos, ne sachant à quoi se résoudre.

Spendius les engageait à céder. Ils y consentirent, et ils rentrèrent.

Alors le Suffète mit sa main dans les mains des dix Barbares tour à tour, en serrant leurs pouces ; puis il la frotta sur son vêtement, car leur peau visqueuse causait au toucher une impression rude et molle, un fourmillement gras qui horripilait. Ensuite, il leur dit :

— Vous êtes bien tous les chefs des Barbares et vous avez juré pour eux ?

— Oui ! répondirent-ils.

— Sans contrainte, du fond de l’âme, avec l’intention d’accomplir vos promesses ?

Ils assurèrent qu’ils s’en retournaient vers les autres pour les exécuter.

— Eh bien ! reprit le Suffète, d’après la convention passée entre moi, Barca, et les ambassadeurs des Mercenaires, c’est vous que je choisis, et je vous garde !