Page:Fleischmann - Le Roi de Rome et les femmes, 1910.djvu/376

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Je ne sais si le prince avait eu soupçon de quelque chose, où si la prudence arrêta la démarche du balafré ; toujours est-il que depuis ce temps il paraissait aussi soucieux de m’éviter, qu’il s’était montré ingénieux à multiplier nos rencontres.|90}}
Il y a environ trois semaines, je le vis occupé à planter quelques boutures : je l’abordai d’un air indifférent ; il feignit de son côté de ne pas s’apercevoir que j’étais là. Jamais je n’oublierai cette scène : il assujettissait un tuteur pour protéger un jeune laurier... ce rapprochement allégorique m’émut profondément, j’oubliai son infirmité et je lui dis en français :
─ Pierre, croyez-vous que ce jeune arbrisseau réussisse ?
— Oui, sire, me répondit-il pourvu que les insectes n’en dévorent pas la racine.
À ce mot sire, je crus que le sang allait jaillir de mon front.
─ Comment attacherez-vous l’élève au tuteur ? poursuivis-je.
Il tira de son sein une attache ; c’était un ruban rouge ; la croix d’honneur y était suspendue.
— Celui-ci ne déteindra pas, continua-t-il d’un ton solennel. Votre père l’a attaché sur ma poitrine à Waterloo...
─ Tais-toi, si tu m’aimes, m’écriai-je.
La figure de cet homme avait pris une expression sublime.
Je crus voir le génie de la France, la personnification de l’honneur dans ce soldat dévoué... J’oubliai tout... et nous tombâmes dans les bras l’un de l’autre.
{{taille|— Fils de mon Empereur, murmura-t-il en sanglotant, que faites-vous sur cette terre ennemie ? Ne voyez-vous pas qu’ils vous tueront ? Ignorez-vous ce qui se passe en