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Page:Fleuriot - Mon sillon.djvu/171

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mon sillon.

Madame Dormans est hors de danger, ce qui ne l’empêche pas de me faire chercher plusieurs fois par jour.

Maintenant ces visites sont pour moi une véritable distraction, j’ai bien de la peine souvent à m’empêcher de rire aux larmes. Comme on devient original en vieillissant, surtout dans nos petites villes dont l’absolue stagnation permet aux caractères un peu égoïstes de se replier entièrement sur eux-mêmes ! La vie intime de cette pauvre femme n’est plus qu’un tissu de manies. Le matin c’est une bouillotte d’une certaine forme et d’une certaine grandeur qui doit être au feu et non une autre, l’eau de l’autre bouillotte ne vaudrait rien ; ceci doit être invariablement placé à sa droite et cela invariablement à sa gauche ; un pli de rideau, une attitude, un chant de coq, un son de voix, tout la gêne, lui déplaît. Elle fait redresser, arranger, elle vous oblige même à des grimaces qui ne sont pas du tout dans votre physionomie. Et quand l’égoïsme s’incarne ainsi dans toutes les petites choses, quand on en vit, comme on s’amoindrit !

Avant-hier je la trouve en larmes. Inquiète, je la questionne. Elle se trouvait plus souffrante