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Page:Fleuriot - Mon sillon.djvu/271

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mon sillon.

Pour la vie, le crépuscule, c’est le crépuscule ; les ténèbres, ce sont les ténèbres ; la nuit, c’est la nuit. Nuit sans lendemain, sans aurore. On vit dans la mort, on voit avec des yeux jeunes la fin de tout, le vide de tout, le néant de tout. Les grandes douleurs, celles qui pénètrent jusqu’aux mystérieuses profondeurs de l’âme vous jettent dans le néant. J’y étais donc. Ai-je été mortellement découragée ? Oui. Désespérée ? Jamais. Je croyais en Dieu, j’ai crié vers Dieu.

Un jour dans mon austère solitude, j’ai saisi le livre de ma vie arrivée à son milieu, il s’est ouvert à la page sur laquelle s’étendait la teinte de néant, j’ai tourné les feuillets, et je suis revenue aux premières pages. Pages embaumées où s’étaient fixées mes pures extases, mes élans consolateurs. Et ma pensée s’est arrêtée là et j’ai dit : « Il était alors, il est aujourd’hui, il sera demain. Mille ans devant lui sont comme un jour et un jour comme mille ans. Ma vie n’est-elle pas un rayon de ce soleil et ce rayon ne peut-il se rattacher plus directement à l’astre immuable ? serait-ce là le divin secret de mon épreuve ? Mais comment remonter là ? Comment en suis-je insensiblement descendue ?