Page:Fleuriot - Mon sillon.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

293
mon sillon.

zanne en se parlant tout haut selon son ordinaire ; il a l’air d’une manière de fou, mais sa voix m’a fait un drôle d’effet dans l’oreille quand il a dit, comme les gars : ma bonne.

Pendant qu’elle se faisait ainsi ses réflexions, Charles Després, que le lecteur, plus clairvoyant que Suzanne, a certainement reconnu, s’éloignait lentement par les allées du jardin. L’effet qu’il avait produit sur celle par qui il avait été élevé, et pour laquelle il était devenu méconnaissable, lui causait une irritation sourde qui n’était pas sans douleur. Il était donc bien changé, et pourtant comme c’était un peu en enfant prodigue qu’il revenait, il avait hâte d’entendre une parole d’affection ou tout au moins de bienvenue. Il marchait toujours, se dirigeant vers le verger, et le cerveau assailli par mille souvenirs. En arrivant sur la limite, il s’arrêta court. Un peu à droite, les débris moussus, à moitié pourris d’un hêtre, étaient couchés dans l’herbe. On avait pris la saine partie de l’arbre et la racine avait été oubliée là. En revoyant les restes de ce tronc d’arbre qui lui avait servi de banc rustique pendant ses promenades solitaires, chacune des paroles de la conversation qu’il