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Page:Fleury - Marivaux et le Marivaudage, 1881.djvu/367

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CATHOS, lui donnant les deux mains.

Tiens ! je ne barguigne point, car je sais vivre.

LA RAMÉE

Oh ! il y paraît, malepeste ! il est rare de trouver une honnête fille qui pousse la civilité aussi loin que toi. Tu es une originale, ma Cathos.

CATHOS

Fort peu de Cathos. C'est à présent Lisette.

LA RAMÉE

C'est bien fait : tu es taillée pour la dignité de ce nom-là. Mais j'en reviens à ton cœur… conte-moi un peu ce qui s'y passe.

CATHOS

Je t'aime d'abord par inclination. Cela est bon, cela ?

LA RAMÉE

Délicieux.

CATHOS

Et puis par belles manières.

LA RAMÉE

Tu me remues, tu m'attendris. (Et puis à part.) Quel dommage d'être un fourbe avec elle !

CATHOS

Écoute : je prétends que mon amour soit connu d'un chacun. N'en fais pas un secret, au moins : ne me joue point ce tour-là.

LA RAMÉE

Non, ma brebis, je te ferai afficher.

CATHOS

Ai-je bien des rivales ?

LA RAMÉE

On ne saurait les compter ; Paris en fourmille.

CATHOS

Montrez-m'en quelqu'une, afin que je la méprise poliment, ou bien que je la décoiffe.

LA RAMÉE

Va, ma petite cervelle, tu en verras tant que tu voudras. Hélas ! il ne tient qu'à moi de les ruiner toutes.

CATHOS

Oh ! merci de ma vie ! c'est moi qui veux être ruinée toute seule, en attendant restitution.

LA RAMÉE

Ma poule, je t'accorde la préférence. Quant à la restitution, je te la garantis sur mon honneur.

CATHOS

Son honneur !… voilà le notaire. As-tu fini avec ton cabaretier ?

LA RAMÉE

Pas encore, parce qu'il y a une certaine Marton plus opiniâtre qu'un démon, qui veut à toute force que j'accepte sa monnaie pour payer le vin que j'ai bu.

CATHOS

Elle est bien osée. (Elle tire une bague de son doigt.) Allons, prends cette bague qui m'a coûté trente bons francs.

LA RAMÉE, la prenant.

Ta bague à mon cabaretier ? le coquin n'a pas, à ses deux pattes, un seul doigt qui ne soit plus gros que ta main.