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Page:Fleury - Marivaux et le Marivaudage, 1881.djvu/369

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pendant qu'il lit.

Il y a apparence qu'il ne se plaindra pas, car il rit.

LE CHEVALIER, baisant la lettre.

Vous me transportez, Marquise ! vous me pénétrez ! quel feu d'expressions ! je veux les apprendre à tout l'univers, afin que tout l'univers me porte envie. C'est l'Amour même qui vous les a dictées ; c'est lui qui vous a tenu la main. Que cette main m'est chère ! Me sera-t-il permis ?…

Pendant qu'il achève ces mots, la Marquise avance tout doucement la main, comme voulant la lui donner.

MADAME LA THIBAUDIÈRE

On vous le permet, remerciez-la.

LE CHEVALIER

Donnez ! que mille baisers lui marquent mes transports.


Scène XXII

CATHOS, surnommée LISETTE ; UNE DAME INCONNUE ; MARTON, suivante de la dame ; les acteurs précédents.


LISETTE, au Chevalier.

Voici une dame qui demande Monsieur le Chevalier.

MADAME LA THIBAUDIÈRE

Quoi ! jusque chez moi ?

L'INCONNUE, au Chevalier, regardant la Marquise.

Ah ! je vous y prends, Monsieur !… voilà donc pour qui vous me négligez ? (Et à la Marquise.) Comptez-vous sur son cœur, Madame ?

MADAME LA THIBAUDIÈRE, d'un air moqueur, et riant.

Vous êtes si dangereuse que je ne sais plus qu'en penser.

L’INCONNUE

Je vous avertis que j'ai sur lui des droits, qui me paraissent un peu meilleurs que les vôtres.

MADAME LA THIBAUDIÈRE, ironiquement.

Meilleurs que les miens ! et c'est vous qui êtes obligée de le venir enlever de chez moi, le petit fuyard ! Contez-nous la sûreté de vos droits ; je compatis beaucoup à la fatigue qu'ils vous causent. (Elle appelle.) Un fauteuil… Prenez la peine de vous asseoir, Madame ; vous en gronderez plus à votre aise, et nous en écouterons plus poliment la triste histoire de vos droits.

L’INCONNUE

Eh non, Madame ; je n'ai pas dessein de vous rendre visite. Allons, Chevalier. On est venu chez moi pour une affaire de la dernière conséquence qui vous regarde, et qui doit absolument