Page:Fleury - Marivaux et le Marivaudage, 1881.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Attendez… puisqu'on me met le poignard sur la gorge, et que j'ai affaire à la jalouse la plus incommode et la plus haïssable, oui, la plus haïssable…

L’INCONNUE

S'il hésite encore, je ne le verrai de ma vie.

MADAME LA THIBAUDIÈRE

Retirez-vous… N'est-ce pas dix mille écus ?… Si on avait le temps de marchander, et qu'on ne fût pas prise comme cela au pied levé… car enfin tout se marchande, et on tirerait peut-être meilleur parti…

LE CHEVALIER

Eh ! laissez donc, Marquise ! et vous, n'insistez point, Comtesse.

L’INCONNUE

N'êtes-vous pas honteux de me mettre en parallèle avec une femme qui parle de marchander un régiment comme on marchande une pièce de toile ? Vous n'avez guère de cœur.

LE CHEVALIER

Oh ! votre emportement décide : vous insultez Madame ; et pour la venger, j'avouerai que je l'aime, et c'est son argent que j'accepte. Donnez, Marquise, donnez tout à l'heure, afin que la préférence soit éclatante. Sont-ce des billets que vous avez dans le portefeuille ?

MADAME LA THIBAUDIÈRE

Oui, Chevalier. (En ouvrant le portefeuille.) Attendez que je les tire. Il y en a de différentes sommes, et plus qu'il n'en faut.

LA RAMÉE

Allons, Cathos, amène… je te venge aussi, moi. Et toi, Marton, va te cacher.

MARTON

Double coquin !

L'INCONNUE, pendant que Madame La Thibaudière cherche.

Perfide !

CATHOS, sautant de joie.

Les laides, avec leur pied de nez !

L’INCONNUE

Je suis désespérée.


Scène XXIII

Tous les acteurs précédents, MONSIEUR DERVAL, MONSIEUR LORMEAU, DEUX DAMES


MONSIEUR LORMEAU, à la Marquise.

Ma cousine, voici les sœurs de Monsieur Derval, qu'il vous amène, et qui ont voulu vous prévenir… Mais à qui en a cette dame-là qui paraît si emportée ?

Madame La Thibaudière salue les deux dames.

MONSIEUR LORMEAU, cont